Rencontre avec Cédric et Violaine, vignerons au Château de Roquefort
Cédric et Violaine
RENCONTRE AVEC CÉDRIC ET VIOLAINE, VIGNERONS AU CHÂTEAU DE ROQUEFORT
COMMENT VOTRE AVENTURE VITICOLE A-T-ELLE COMMENCÉ ?
"Nous sommes originaires du nord, j’étais chef d’entreprise et je l'ai cédé. Quelque temps après, j’ai souhaité revenir sur une aventure, et j’avais un rêve d’agriculteur avec un grand A. J’ai choisi le raisin. Pourquoi le raisin ? C’est le fruit qu’on choisit quand on est un peu plus mûr. C’est le seul fruit, qui permet la magie et la surprise d’une vinification. J’ai 56 ans aujourd’hui et je pense que c’était peut-être le bon moment pour réveiller des sens."
COMMENT S'EST PASSÉ VOTRE RENCONTRE AVEC LE CHÂTEAU DE ROQUEFORT ?
Nous avons entamé un petit voyage, peu après l’épidémie de COVID-19, où nous avons visité quelques domaines. Nous nous sommes rendus au Château de Roquefort. Quand nous sommes arrivés, nous avons un moment un peu suspendu. Il y a quelque chose qui nous a immédiatement parlé : nous avons ressenti des choses fortes, chargées d’histoire. On s’est mis à parler tout bas. On a réellement été saisi par la beauté de la nature. C’est un lieu qui est très proche de Marseille et de Cassis, on n’avait jamais imaginé qu’il existait encore des endroits aussi sauvages si proches d’une grande ville. Nous sommes revenus 3 semaines après et cela paraissait évident pour tous les deux. Nous n'avions pas de doute, comme si le domaine nous attendait.
PARLEZ-NOUS UN PEU DU CHÂTEAU DE ROQUEFORT...
Le domaine de Roquefort est un lieu singulier, où il y a une douceur de vivre, une certaine sérénité constante, du végétal qui prend toute sa place avec beaucoup de grâce. Le site est d’une grande beauté. Nous mesurons la chance quotidiennement d’être arrivés ici et la responsabilité que nous avons vis-à-vis des vignes, du vin et de son histoire. La cession a duré 2 ans, j’ai très vite demandé à Raimond de venir sur le domaine pour m’apprendre cette culture, m’imprégner des choses qui ont été faites et les faire perdurer. Le château appartenait à la famille De Villeneuve Flayosc depuis des générations. Raimond a été le dernier de sa famille à vivre ici. Il y a œuvré pendant 20 ans. On sent vraiment que ce lieu est chargé d’histoire, c’est un lieu assez fort. Il y a des arbres très vieux, de magnifiques cèdres. C’est un environnement très noble, où la beauté de la nature est présente dans toute sa splendeur.
QUELLES SONT LES VALEURS ET LA PHILOSOPHIE DU DOMAINE ?
Raimond est un des précurseurs du Bio, il a beaucoup œuvré sur cela. Il a été quelque temps en biodynamie et s’est rendu compte qu’elle était très intéressante. Il en a conservé des principes et est revenu en BIO. Nous sommes actuellement en restriction pour avancer vers Biodyvin*, qui est un label qui est plus adapté au terroir, à nos vignes du sud. Concernant le côté équipe, venant du monde de l’entreprise, c'est une chose qui, pour nous, a beaucoup de sens. Aujourd’hui, nous sommes 6, l’idée est de s’entourer de personnes qui ont appris à nous découvrir, nous, et notre façon d’avancer. Ils prennent part dans toutes les décisions que nous prenons. C’est important d’être dans le partage. Cela va faire 2 ans que nous avons repris le domaine et j’ose dire que nous avons passé la période de changement. Quand nous sommes arrivés, il y avait Margaux qui était déjà là avec Raimond depuis 7 ans. Elle est restée avec nous. Sa présence a été très importante dans ce changement. Elle a su passer cette transition avec beaucoup d’intelligence et nous lui en sommes très reconnaissants. Nous sommes maintenant un groupe bien constitué, nous nous connaissons bien. On essaie de partager le maximum ensemble. Nous sommes arrivés ici, nous ne connaissions personne. On aime dire que notre équipe, c’est aussi un peu notre famille. On s’appelle la « Rock'Fort Team » ! Nous ne sommes pas nombreux donc nous veillons à prendre soin les uns des autres.
*Le label Biodyvin certifie les pratiques viticoles bio-dynamiques dans l'exploitation
COMMENT POURRIEZ-VOUS DÉCRIRE LE TERROIR UNIQUE DU CHÂTEAU DE ROQUEFORT ?
Nous sommes situés à Roquefort-la-Bédoule, à 400 m d’altitude. Nous sommes sur des terroirs argilo-calcaires, sauf sur une parcelle composée de vieilles vignes où nous sommes en calcaire avec très peu d’argile. Le domaine est entouré d’un cirque qui protège les vignes. Nous sommes situés à proximité de Cassis. Nous avons des remontées maritimes d’air salin, ce qui nous permet d’avoir beaucoup de fraîcheur, d’acidité, et de salinité qu'on peut retrouver dans nos jus. Nous sommes sur un climat qui est chaud et sec, mais il y a toujours une sorte de fraîcheur, de petit vent que nous apprécions les après-midis ainsi que les nuits de mai et juin.
VOTRE VISION SUR LE ROSÉ ?
Le rosé est quelque chose qui est extrêmement important pour le domaine, même si on sent quelques tendances où le consommateur s’oriente vers un peu plus de vin blanc, vers des rouges plus frais et jeunes…
Malgré tout, le rosé pour nous, c’est l’été, la Provence. C’est quand il fait beau, c’est au moment de la belle saison, des vacances, mais pas que cela. Il ne doit pas être marketé. Il y a une image qui est très connotée à plein de choses, qui sont un peu trop "Bling-bling". Il y a un côté qui nous dérange un peu, et on aimerait bien trouver une image qui le remette plus au centre du partage. Nous voulons essayer de changer cette vision.
Pour nous, ce n’est surtout pas avec des glaçons ! Car cela modifie les saveurs, l’odeur, le goût, mais chacun est libre de faire comme il veut. Nous ne sommes pas pour prendre le vin trop au sérieux. C’est ça le plaisir du vin, faire confiance à ses goûts. Je crois que c’est très important.
UNE ANECDOTE VIN ?
Cette année, sur le rosé, nous avons fait des vendages de nuit pour rentrer des baies très fraîches. Lorsque nous avons pressé les raisins, on s’est rendu compte qu'il y avait beaucoup moins de couleur qu’habituellement. Ça a été un peu la surprise. Pourtant la Syrah, est un cépage qui colore énormément. Cela est lié au fait que les raisins étaient froids (entre 5 et 7°c). Notre millésime 2023 a perdu 3 teintes par rapport à celui de 2020. On a finalement réalisé que les gens, aujourd’hui, veulent des rosés clairs. On a été un peu soucieux au départ. Cependant, nous avons été agréablement surpris face aux félicitations de nos clients adeptes du Corail. Cela n’a absolument pas altéré les arômes, le vin a gardé la singularité du Corail de Roquefort, avec une note de fraîcheur supplémentaire.
Y'A-T-IL DES TRADITIONS FAMILIALES OU RÉGIONALES QUE VOUS INTÉGREZ SPÉCIFIQUEMENT DANS VOTRE TRAVAIL ?
Nous tenons à travailler dans la continuité de Raimond. Pour nous, c’est du bon sens, cela paraissait tellement évident. Nous avons tout de même apporté quelques nouveautés : les vendanges de nuit, par exemple. C’est une chose que nous avons apporté et qui n’était pas faisable avant. Nous pensons que c’est un vrai plus, que ce soit sur le rosé, le blanc, ou le rouge, c’est vraiment quelque chose de magnifique. Nous sommes là pour amener des choses, qui demain permettront au vin d’évoluer dans un contexte de réchauffement climatique. Nous voulons adapter notre culture, nos récoltes, nos vinifications, pour rester dans du “purement Roquefort”.
QUELS SONT LES PROJETS OU OBJECTIFS POUR LE DOMAINE ?
Notre priorité est la vigne, cela fait 2 ans que nous œuvrons pour la culture. Nous avons tout de même un projet sur lequel nous travaillons, qui est un projet d’accueil. Nous souhaitons accueillir des groupes pour des séminaires d’entreprise. Nous souhaitons partager la chance que nous avons d’être sur ce domaine. C’est un lieu particulier où il faut se poser pour ressentir les choses. Nous avions envie d’imaginer cette expérience autour de la détente et de la reconnexion avec la temporalité spécifique à ce lieu. C’est bénéfique de pouvoir se déconnecter quelques temps. Ici le luxe c’est la nature, le lieu, la simplicité.
Nous avons un second projet de construction d’une nouvelle cave, raccrochée au château. Aujourd’hui, celle que nous avons fonctionne, mais avec le projet de développement de vignes, elle sera trop petite. Ce projet se fera d’ici un an, après les vendanges pour ne pas empiéter sur celles-ci.
UNE CUVÉE PRÉFÉRÉE ?
C’est compliqué de choisir une cuvée préférée. Quand vous reprenez un domaine, vous vous attachez au lieu, mais vous tombez aussi amoureux de ses vins. Nous n'aurions pas pu imaginer reprendre un vignoble avec des vins qui ne nous parlaient pas. On se rend compte qu’on les aime presque d’amour, je ne sais pas si c’est normal, mais en tout cas, c’est la vérité ! On connaît chaque étape, on goûte, on est en lien permanent avec son vin, donc il est compliqué de répondre à cette question. Mais s’il fallait vraiment choisir, je pense que nous dirions « Les Genêts » ! Nous avons une cuvée issue des vignes les plus vieilles du domaine, c’est un parcellaire des années 80. C’est un blanc avec un seul cépage, Vermentino et nous arrivons à en faire uniquement 5 000 bouteilles.