Rencontre avec Pierre Goiset

"J'ai eu l'envie de voir ce que j'étais capable de faire, quel vin je pouvais faire !"
Nous laissons la parole à Pierre...
Comment ton aventure viticole a commencé ?
C'est l'histoire d'un projet familial. Marie, ma femme, était libraire indépendante chez Lune & l'Autre à Saint-Étienne. De mon côté, cela faisait quelques années que je travaillais dans les vignes et que je commençais à m'intéresser aux vins natures. J'ai beaucoup goûté, particulièrement chez Lulu, un projet associatif autour du vin nature.
J'ai récupéré quelques hectares de vignes et un jour Marie me dit : allez on se lance pour de vrai ! J'ai embarqué toute la famille : ma femme et nos deux enfants et nous sommes venus nous installer dans le vignoble nantais. On peut dire qu'on a changé de vie. Nous sommes passés de citadins à ruraux. Avant, intermittent du spectacle, j'avais les mains dans les câbles, maintenant j'ai plutôt les mains dans les ceps.
Où est ton domaine ?
Saint-Fiacre-sur-Maine : commune charmante à la confluence de la Sèvre et de la Maine, très vallonnée, même si ça culmine seulement à une soixantaine de mètres au-dessus du niveau de la mer ! Ici, nous sommes proches de La Loire : le trait d'union entre mes deux villes de cœur, Nantes et Saint-Étienne, le fleuve relie les deux villes. Ici, la Loire est plus large, avec des bancs de sable, c'est l'estuaire, on est proche de la mer avec des influences océaniques.
Quels sont les terroirs ?
Nous sommes sur les contreforts du massif armoricain, très ancienne montagne complètement érodée avec une grande mosaïque de terroirs de roches magmatiques et métamorphiques, essentiellement gneiss, orthogneiss, granite, gabbro...
Le cépage principal ?
Le melon B. Le melon n'est pas un cépage aromatique, c'est donc une vraie éponge à terroir qui exprime le caractère de chacun d'entre eux sans dissimuler une aromatique variétale. J'ai récupéré de vieilles vignes des années 50 en massale ! J'ai aussi du merlot qui me permet de proposer une cuvée de rouge, du rosé et du pétillant naturel.
Quelle a été ton éducation aux vins ?
J'ai eu une éducation familiale au vin par mon père, avec notamment des visites de caves dans le Bordelais, quand j'étais gamin. Mais je n'y connaissais rien et je ne m'y intéressais pas vraiment avant de vivre en région Rhône-Alpes et de découvrir les vins du Nord de la vallée, en particulier les blancs !
Lors de la rencontre entre mes parents et mes beaux-parents, j'ai eu comme une révélation en goûtant un St-Joseph blanc 2009 du domaine Courbis : je n'avais jamais goûté quelque chose comme ça ! On a trinqué et on s'est regardé avec mon père, vraiment séduits et épatés par ce vin et c'est cet instant qui m'a donné envie de le travailler !
Quelle a été ta formation ?
Empirique au départ. En arrivant à Saint-Étienne, j'ai commencé par faire quelques campagnes de vendange, 1 puis 2 puis 3 et puis j'ai eu envie d'aller plus loin et je me suis mis à travailler à l'année au domaine Pierre-Jean Villa, très beau domaine du Rhône septentrional. J'ai tout appris là-bas, aussi bien en vigne qu'en cave, parce que Justin le directeur technique et Pierre-Jean aiment transmettre et sont très pédagogues. J'y suis resté jusqu'en 2018. En parallèle, j'ai repris un Bac Pro CGEA Vigne et Vin par correspondance que j'ai obtenu en 2017.
Travailler pour les autres, ça m'a donné envie de me lancer, c'est un peu comme un enfant qui voit un autre jouet et qui a envie d'essayer ! J'ai eu l'envie de voir ce que j'étais capable de faire, quel vin je pouvais faire !
Le retour en Loire Atlantique s'est imposé parce que les vins du muscadet et les perspectives me plaisaient. On a de très beaux terroirs et un cépage très intéressant (ça permettait aussi de se rapprocher de ma famille, des amis...), et surtout, le foncier viticole est très accessible. Il va y avoir beaucoup de départs en retraite donc il y a de la place !
La première année, ça a été un peu violent, année de changement pour toute la famille avec ce que ça implique et une année compliquée en vigne avec un gel terrible qui a amputé plus de 80% de la récolte et une pression mildiou qui m'a tenu en alerte jusqu'à tard dans l'été.
C'est quoi ton projet ?
Mon projet, c'est de tout faire par moi-même, de maîtriser les choses donc une toute petite surface : 3 hectares et tout réaliser de façon très artisanale, à la main, de faire des vins au plus proche du raisin. En bio, avec des préparations biodynamiques, j'utilise aussi un vieux pressoir vertical hydraulique. Et à terme, j'aimerais travailler avec un cheval de trait, mais on va se laisser le temps de tout mettre en place.